
Qui: Shantal Arroyo
Titre: Co-fondatrice
Organization: Clinique La Croix Verte
Présentation de Shantal Arroyo
Shantal Arroyo est la fondatrice de la Clinique La Croix Verte, une clinique de cannabis médical à Montréal. Activement impliquée dans le domaine du cannabis depuis 2007, Shantal apporte des années de connaissances et d’expérience à l’industrie du cannabis. Shantal possède une expertise dans la vente consultative, la production et la transformation de cannabis et de dérivés.
En tant que militant pro-cannabis, Shantal a ouvert et exploitée un certain nombre de «clubs de compassion» au Québec pour les personnes à la recherche de cannabis médical. Grâce à ses cliniques, elle a aidé des milliers de patients souffrant de différentes pathologies.
En tant que porte-parole de l’Association québécoise des intervenants en cannabis medical, Shantal a été en première ligne du plaidoyer auprès des gouvernements à tous les niveaux. AQICM offre une formation professionnelle, une expertise sur le cannabis, des ateliers et plus pour les professionnels du cannabis.
OCN a parlé à Shantal de ses expériences personnelles avec le cannabis et de la façon dont elle a réussie à ouvrir une grande clinique de cannabis médicinal dans la deuxième plus grande ville du Canada.
OnlyCannabisNews: Parlez-moi de votre histoire avec le cannabis.
Shantal Arroyo: J’ai toujours eu un faible pour le cannabis, et à l’époque c’était du haschich. L’alcool n’était pas du tout mon truc. Je n’aimais pas ses effets mais fumer du haschisch m’a permis de me détendre et a empêché un peu mon cerveau de courir à 100 miles à l’heure tout le temps!
OCN: Qu’est-ce qui vous a poussée à vous battre pour la légalisation, à vous impliquer autant pour la cause?
SA: Il semblait que tout le monde consommait du cannabis en secret. Des personnes de tous âges consommaient de la marijuana, mais en même temps risquaient de se faire prendre et d’être accusées d’une infraction pénale. La consommation de cannabis n’est pas vraiment grave, alors pourquoi risquions-nous autant?
OCN: Quelque chose vous a motivée personnellement?
SA: Tout a changé pour moi pendant que je promenais mon chien dans un parc à Montréal durant l’été 2000. J’ai accidentellement marchée sur un sac d’aiguilles et de seringues. J’ai dû suivre une trithérapie (VIH – Hép) pendant plusieurs mois parce que les seringues étaient infectée avec l’hépatite C.
J’avais 27 ans. Je n’avais vraiment pas le choix. Les effets secondaires du médicament m’ont rapidement rendue vraiment malade. J’étais tellement malade que je voulais arrêter le traitement. En chuchotant dans le couloir de l’hôpital, mon médecin m’a dit les bienfaits de «la fumette»!
J’ai failli m’évanouir! Mon médecin me disait de fumer du pot?!?!
OCN: Qu’avez-vous fait?
SA: Je suis immédiatement allée rejoindre le premier club de compassion ouvert par Caroline Doyer et Louise Caroline Bergeron sur la rue Rachel à Montréal. J’ai terminée le traitement quelques mois plus tard grâce à mon «pot». Heureusement, je n’ai rien contractée avec l’aiguille. Mais cela m’a ouvert les yeux sur les personnes qui ont besoin de cannabis pour survivre et sur le travail essentiel des “clubs de compassion” de l’époque.
Une activiste du cannabis
OCN: Qu’est-ce qui vous a amené à ouvrir une clinique?
SA: Je suis devenue militante du cannabis après mon traitement. J’ai commencée à participer plus activement aux marches pro-cannabis au début des années 2000.
OCN: Comment avez-vous fait cela?
SA: En 2008, nous avons ouvert un centre de compassion à Québec. Nous avons eu l’idée avec l’équipe sur place de rendre une clinique plus spécialisée dans le cannabis. Nous avons été témoins de la popularité de la plante et nous avons réalisé que nous avions besoin d’une organisation rigoureuse et sérieuse, avec des personnes et des intervenants plus compétents.
En juin 2010, nous avons été perquisitionnés par la police provinciale en raison de l’abus de certains «clubs». En conséquence, tous les centres de compassion et clubs ont été fermés. Sauf que nous avons réouvert celui de Montréal 3 semaines plus tard. Mon partenaire Mike et moi avons continué à opérer de manière clandestine pendant trois ans. Finalement, les 17 employés ont tous reçu l’absolution inconditionnelle.
Nous étions de retour à la case départ. Cela nous a permis de voir les défauts de notre opération et nous avons travaillé sur le développement du projet «clinique».
Malheureusement, lors de notre présentation des améliorations que nous pensions essentielles au centre de compassion de Montréal en juillet 2013, plusieurs conflits d’intérêts sont apparus. À notre grand désarroi, nous avons été remerciés de nos services.
À tout prix
OCN: Quelle est l’histoire de la clinique? Avez-vous fait des erreurs en cours de route?
SA: Nous avons failli jeter l’éponge après l’incident avec les centres de compassion. J’étais extrêmement dégoûtée de tout l’environnement commercial du cannabis. L’attrait de l’argent était mis en avant plan plutôt que le bien-être des patients. Et je peux dire que j’ai appris tout ce qu’il ne fallait pas faire pendant cette période! Nous avions beaucoup de contrats avec des producteurs autorisés d’ici et de l’ouest du Canada pour développer des serres de production ou établir des bases de patients, mais chaque fois nous avons vu que c’était toujours le profit qui intéressait les gens.
D’après nos expériences avec une variété de sociétés canadiennes de cannabis, le profit a toujours été placé avant l’expérience du patient. Nous sommes une entreprise et un service «axés sur le patient». – Shantal Arroyo
OCN: Quelles étaient les personnes clés qui vous ont aidé?
SA: C’est au cours de cette épreuve que nous avons rencontré de manière inattendue les personnes clés qui nous ont poussés à ouvrir notre propre place avec notre vision. Considérez ceci: L’ouverture de la clinique à Québec a duré moins d’un an. Nous avons perdu une fortune et du temps. Des accusations de trafic ont été portées. Nous avons été en cour pendant quatre ans. Et finalement, tout a été abandonné. Malgré tous ces coûts, cela nous a permis de tisser des solides amitiés avec des personnes clés et une forte confiance avec nos partenaires et associés.
OCN: Que feriez-vous différemment?
SA: Rien. J’ai fait exactement ce que je pensais être la meilleure chose à faire à l’époque. Je ne crois pas à la perfection. Peut-être que je n’ai pas toujours fait le meilleur choix lors du choix des employés… mais à part ça, rien de majeur.
Une entreprise en croissance
OCN: Votre entreprise a-t-elle grandie?
SA: En 5 ans, nous sommes passés de 4 employés à 35 dont 25 professionnels de la santé. Notre clinique est passée d’un petit bureau de 900 pieds carrés à plus de 6400 pieds carrés sur deux étages. Et, plus important encore, notre liste de patients actifs est passée de quelques dizaines de patients à plus de 5000.
OCN: Quels ont été les plus gros obstacles?
SA: Légalisation (rires) Oui, cela paraissait ironique mais à partir du moment où le gouvernement a déclaré la plante médicinale comme produit récréatif, il a détruit 30 ans de travail militant. Vous devez comprendre qu’avant la légalisation, le cannabis était considéré comme une plante médicinale, avec un accès restreint à son usage médicinal. Avec la légalisation récréative — POOF! La bourse et les PDG à la recherche de profits ont envahi le marché du cannabis médicinal. Toutes ces personnes qui nous regardaient de haut en bas se sont soudainement intéressées aux «poteux».
OCN: Que pensez-vous de la législation sur le cannabis?
SA: Absolument TOUT ce que le Québec a proposé comme règlements est dicté par la moralité bien intentionnée des baby-boomers qui aiment le vin rouge plutôt que la science et l’histoire de cette plante fascinante. Nous commençons tout juste à voir l’étendue de ses propriétés. Dans 25 ans, nous aurons honte de la façon dont nous avons fermé les yeux sur ses vertus et de la façon dont nous avons laissé les bureaucrates nous empêcher d’accéder à l’une des plus grandes richesses de la nature.
Clinique La Croix Verte
OCN: Comment fonctionne la clinique? Que pouvons-nous y trouver?
SA: Tout d’abord, nous sommes un pont entre les médecins et les patients. Nous sommes là pour soutenir les patients qui souhaitent superviser l’utilisation des médicaments et qui veulent soulager avec succès certaines maladies et certaines conditions grâce à du cannabis bien dosé. Nous travaillons avec des centaines de médecins au Québec mais aussi en interne avec des infirmières, des travailleurs sociaux, des scientifiques et des chercheurs. Nos produits sont fabriqués sur mesure avec des produits certifiés et testés. Nous avons une base de données de milliers de patients avec leurs symptômes, médicaments, effets secondaires, histoires de réussite, recettes, témoignages. Nous avons également des données sur les animaux et le cannabis, différents produits, variétés de cannabis et extraits. Nous développons la recherche clinique observationnelle et qualitative. Nous avons une communauté avec du soutien et un centre de formation pour les professionnels de la santé. Notre directeur scientifique détient un doctorat en biologie moléculaire et il travaille avec la chaire de recherche de l’Université de Moncton. C’est aussi une association de professionnels qui souhaitent intégrer le cannabis dans leur thérapie ou dans leur programme de formation.
OCN: Pensez-vous qu’il y aura des changements après la crise du COVID-19?
SA: Je pense que nous avions déjà des protocoles en place pour bien répondre à la COVID-19 parce que nous avions déjà des procédures de nettoyage et de contamination depuis que nous travaillons avec des personnes malades. La seule chose qui serait souhaitable est d’avoir une meilleure acceptation de nos services et de pouvoir l’offrir partout au Québec comme c’est actuellement le cas à Montréal. La proximité d’un expert qui ne vous juge pas et qui peut vous accompagner sincèrement dans votre consommation de cannabis peut vraiment changer l’efficacité d’un traitement.
OCN: Ces changements affecteront-ils votre entreprise et si oui, comment?
SA: J’espère que le marché de la production de micro cannabis sera ouvert au Québec. Nous avons une excellente expertise locale et tout ce dont vous avez besoin pour créer une industrie rentable et locale. Nous avons tout à la clinique et à l’Institut national des cannabinoïdes pour aider les entrepreneurs et ceux qui en sont équipés, notre expertise unique doit être mise à profit pour les Québécois.
OCN: Quelle est votre opinion sur l’utilisation du mot «marijuana» dans l’industrie?
SA: Avez-vous douze heures? Pour vraiment expliquer mon propos, vous devez avoir à l’esprit l’histoire américaine. Disons que le documentaire “Grass is Greener” (disponible sur Netflix) explique très bien le contexte. Fondamentalement, c’est un mot raciste utilisé pour définir le peuple mexicain sans papiers qui a travaillé aux États-Unis. Ce sont eux et les noirs qu’on voyait consomer. Les hippies ont ensuite repris les mots pour lui donner une apparence plus féminine. Encore une fois source de sexisme et d’appropriation culturelle. En fait, ce qui me dérange le plus, c’est qu’en changeant le nom d’une plante, on s’approprie sa définition. La plante est appelée cannabis sativa. Point final. Tous les autres noms sont des surnoms péjoratifs ou descriptifs créés pour l’appeler n’importe quoi sauf son vrai nom scientifique. Cela enlève sa crédibilité et sa définition scientifique et la propulse au niveau des croyances ésotériques et nébuleuses.
OCN: Comment voyez-vous l’avenir?
SA: Vert ? Je crois que les prochaines générations feront des découvertes fascinantes sur cette plante et tout ce qu’elle peut apporter. Je crois que dans 10 ans, nous commencerons à voir l’étendue de son influence sur nous.